Y en a qui jettent leur argent par les fenêtres, moi clairement, c'est plus par les baies vitrées / Max

Valère sortait de son Uber, poussé au cul par un de ses potes absolument hilare, et se débattit avec sa veste d'inspiration vaguement militaire pour attraper puis décrocher son téléphone portable. Sylvain, dans son dos, ne l'aidait pas en riant et en le poussant simultanément :

« Sylvain arrête, tu m'fais chier », grommela-t-il, avant d'enfin réussir à décrocher sur son putain de téléphone ; c'était quand même plus pratique à l'époque des clapets, on décrochait avec vachement plus de classe qu'en galérant et dérapant sur un écran tactile. « Ouais ? »

La voix de sa douce mère, qui devait sentir les effluves d'alcool sur sa progéniture de par un instinct de daronne carrément surnaturel, soupira dans le combiné, et donc dans l'oreille de Val, qui avait du coup grave envie de se gratter le conduit auditif.

« Tu as oublié, n'est-ce pas ? »

Il confirma brillamment la théorie maternelle en demandant stupidement « oublié quoi m'man ? » avant que son cerveau ne prenne le relais.
Et qu'il se rappelle qu'il avait rendez-vous dans 5 mn dans le nord de Paris, avec un plombier, pour réviser l'installation de l'appart familial, et que ledit rendez-vous était prévu depuis au moins un mois.

« Merde ! »

Sylvain suivit le mouvement, toujours partant pour une course folle avec Valère.

« Noooon partez pas ! » cria Val en manquant sauter dans les bras du grand blond qu'il estimait être le plombier au vu son air d'attente devant la porte ouvragée de l'immeuble des Livingstone. « Je suis désolé, j'ai horreur d'être en retard pourtant ».

Menteur. Il dégaina son trousseau de clé alors que Sylvain adressait un sourire joyeux à l'ouvrier. Val les fit enfin entrer dans l'appartement, avec l'idée d'un café Nespresso ultra tassé en tête, frémissant presque de bonheur anticipé :

« Vous savez ce que vous avez à faire, hein ? Parce que j'en ai pas la moindre idée à vrai dire », rit-il.

Y en a qui jettent leur argent par les fenêtres, moi clairement, c'est plus par les baies vitrées
@Valère Livingstone

Clope entre les lèvres, Max tapotait du pied au bas de l’immeuble de son rendez-vous. Un mois que cette date avait été confirmé et le voilà à poireauter devant la porte depuis au moins une trentaine de minutes. Main sur le téléphone, il souffla la fumée par le nez. Il n’avait pas que ça à faire et le retard que ça allait lui causer n’allait en rien arranger ses affaires avec la maîtresse de Tyler. Il avait été appelé quelques minutes plus tôt car le petit garçon avait décidé de vider son sac dinosaure (de ses cahiers et de ses stylos) pour le remplir des petits cailloux de la cour de récréation.
Ce gamin allait le rendre dingue. La semaine précédente c’était une vraie fascination pour les bâtons et maintenant les pierres avaient toute son attention. Il attrapa sa mallette et s’apprêtant à tourner les talons vers sa camionnette une voix l’interpella. A peine eut-il tourné la tête que l’homme lui sautait presque dans les bras. Max cligna bêtement des paupières et aurait voulu lui dire que ça lui faisait perdre de l’argent d’attendre ses clients mais préféra se taire. Il jeta sa clope en une pichenette en croisant le regard du deuxième type qui était là. Ils entrèrent et Max inspira profondément. Il observa celui qui lui avait ouvert quelques secondes se demandant si tout ça n’était finalement pas qu’une vaste blague. Heu… Pour la salle de bain, non ? Il regarda le deuxième homme qui était là avant de poser de nouveau son regard sur le client. Il n’y a pas un problème avec l’eau dans la salle de bain ? Genre y a pas d’eau c’est ça non ? Il regarda successivement le premier puis le second homme présent. Il désigna le couloir. C'est par où ?

Valère parut bugguer quelques longues secondes, avec l'air du mec qui ne sait absolument pas ce qu'est une salle de bain et pourquoi il devrait y avoir de l'eau dedans. Il se reprit une fois que l'alcool l'ait laissé réfléchir, hocha de la tête :

« Ah. Ouais. C'est ça. Pardon hein c'est pas chez moi, c'est chez mes parents, j'vis plus là depuis des années... Les parents, vraiment, à me laisser me charger du sale boulot ! »

Sylvain se garda de confirmer ou pas, parce qu'il comptait bien profiter de l'hospitalité desdits parents, et fila vers la cuisine pour préparer un café qui avec un peu de chance désembrumerait les pensées de Val. Lequel se mit en tête de faire faire le tour des lieux au plombier, en vrai homme du monde habitué aux démonstrations.
Il avait l'air totalement dans son élément, quoiqu'il avait les gestes trop vibrants – excès de coke –, en lui désignant la chambre d'ami, l'autre chambre d'ami, le bureau, et ah ! Le plus intéressant, la salle de bain.
D'un goût discutable, la salle de bain était faite sur le modèle d'une grotte sous-marine, tout en coquillage nacré totalement kitsch. Valère grimaça comme à chaque fois qu'il entrait dans la pièce. Quelle horreur, ce truc.

« Attention à vos yeux je pense que toute cette laideur peut rendre aveugle quelqu'un d'un peu sensible. » Il se tourna vers le plombier, l'air très concerné d'un coup. « Vous êtes sensible ? »

Y en a qui jettent leur argent par les fenêtres, moi clairement, c'est plus par les baies vitrées
@Valère Livingstone

Max ne savait pas trop quoi faire et se trouvait légèrement décontenancé face à deux jeunes hommes.Pourquoi est-ce que l’un semblait se marrer tout le temps, quand l’autre semblait être sur une autre planète ? Il resta là, clignant bêtement des paupières, passant de l’un à l’autre avant d’hocher lentement la tête comme pour dire “oui la salle de bain”. Il en avait rien à faire de ses histoires et voulait vite partir pour aller récupérer son fils à l’école. Il suivit le jeune homme lui faire le tour du propriétaire et il se retint de lui dire qu’il n’en avait que faire de sa visite, qu’il était là pour bosser et non pas pour voir ce qui pouvait bien se cacher dans l’appartement. Toutefois il émit un “Woh” en voyant la salle de bain type grotte de la petite Sirène. C’est… particulier. Max renifla avant de rire doucement dans un rire un peu beauf. Il posa sa mallette sur le comptoir du lavabo. J’suis pas sensible non. Mais cette salle de bain est… Il observa autour d’eux avant de rire dans un souffle. Vos parents ont des goûts… comment on dit… bizarre ?

Val était à la fois trop alcoolisé et camé pour se rendre compte du malaise du pauvre ouvrier qui n'avait pas demandé à être accueilli par un mec aussi perché que lui... et en l'occurrence bien aidé par les divers produits qu'il avait passé une bonne partie de la nuit à consommer. Du coup, il avait vaguement la gerbe, mais l'habitude lui laissait l'occasion d'avoir l'air presque parfaitement serein. Il laissa retomber ses lunettes de soleil sur son nez, dans l'idée de se protéger de la laideur de cette pauvre salle de bain, et sourit à l'intention du plombier. Notant, maintenant qu'il était caché par les verres fumés, que le mec était plutôt beau gosse.

« De merde. On dit des goûts de merde, dans ces cas-là, je vous assure », fit-il avec l'assurance d'un Karl Lagerfeld devant une paire de Crocs, ou un jogging, et un sourire de petit con satisfait de lui.

Il faut savoir que pour Val, le summum de la mode et de l'élégance, c'était le slim noir et un t-shirt logoté fashion ; heureusement pour lui il avait ce genre de corps dit « de la sauterelle anorexique » à qui tout allait de toute manière (et notamment le slim noir et le t-shirt-logoté-fashion aujourd'hui à l'effigie d'une nana passant manifestement un très bon moment.

« Vous avez un accent un peu non ? Vous venez d'où ? » fit-il avec sa curiosité habituelle et ne trouvant pas bizarre du tout de parler de l'accent des autres alors que le sien n'était pas mal non plus.

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